Depuis Sainte-Beuve, Port-Royal est un objet d'tude dont la cohrence n'est gure conteste. Pourtant, il semble difficile de dfinir ce qui fait son unit, au-del des seuls liens de famille et de parti. Une source permet de mieux comprendre ce mouvement intellectuel et religieux troitement li un monastre de cisterciennes : saint Bernard (1091-1153). Pre des religieuses, mais aussi dernier des Pres de l'glise confirmant la doctrine de saint Augustin, l'abb de Clairvaux est le modle d'une rforme la fois morale et thologique, la croise de la tradition monastique et de l'augustinisme dfendus Port-Royal. Cette tude est galement une synthse indite sur saint Bernard au XVIIe sicle. De manire surprenante au regard de l'opposition canonique du Moyen-ge et des temps modernes, l'abb de Clairvaux apparat comme l'une des effigies du catholicisme classique. Mdite par les grandes figures de l'poque, comme Bossuet, Fnelon, Mabillon ou Ranc, son oeuvre est une autorit dans des domaines aussi divers que la thologie (grce et libre arbitre), la mystique (amour de soi et amour de Dieu), l'asctique (l'obissance), la spiritualit (l'oraison), l'exgse (l'interprtation allgorique des critures), la rhtorique (l'loquence biblique), l'anthropologie spirituelle (le socratisme chrtien). Au XVIIe sicle, les interprtations des crits bernardins divergent mais sont fondes sur des cadres conceptuels communs, trangers la pense des moines mdivaux. La lecture d'une oeuvre considre comme la quintessence de l'esprit des Pres conduit ainsi des synthses profondment modernes. Le retour aux sources revendiqu par le catholicisme classique est paradoxal : l'apoge patristique est aussi une rupture dans la tradition issue des Pres. Simon Icard est agrg, pensionnaire de la Fondation Thiers et docteur s Lettres. Il travaille sur les traditions patristiques et monastiques au XVIIe sicle